En finir avec les pesticides de synthèse sur les aires d'alimentation de captage
Révision du SAGE Vilaine : une brève fenêtre d'opportunité pour préserver la qualité de l'eau et engager notre agriculture vers un modèle plus soutenable
Depuis désormais 3 ans, la Commission locale de l'eau du Schéma d'Aménagement et de gestion des Eaux (SAGE) de la Vilaine travaille sur la révision de ce document de planification. L'ambition principale : une eau en qualité et en quantité suffisante pour les milieux naturels et les activités humaines. En Bretagne, région agricole qui souffre des conséquences d'une surspécialisation et d'une industrialisation de ses filières agricoles, la question est cruciale d'accompagner la transformation des pratiques vers une diversification des productions moins consommatrices d'intrants. Sur un territoire où l'accès à l'eau pose de plus en plus question face aux conséquences du changement climatique[1], les cours d'eau restent largement contaminés par les polluants d'origines agricoles (99% des cours d’eau sont contaminés par les pesticides avec une omniprésence des herbicides et des métabolites[2]).
Dans le cadre de la révision du SAGE Vilaine, nous avons déjà collectivement trop reculé sur la question des pesticides de synthèse, sous la pression d'une partie des acteurs agricoles. À force de toujours repousser la nécessité d'un changement, ce sont pourtant des années de perdues et un cout sociale, environnementale et en matière de santé publique que nous ne pouvons plus supporter.
Est-on bien certain de vouloir encore renoncer ? En avons-nous encore les moyens ?
Les études démontrant à la fois le scandale sanitaire des pesticides et les outils à disposition pour s'en dispenser s'accumulent. L'étude[3] menée par le BASIC pour le secours catholique, l'association des diabétiques de France, le Civam et solidarité paysan intitulée "l'injuste prix de notre alimentation" vient enfoncer le clou. Que montre cette étude ? Que les aides publiques à l'agriculture représentent par année en France 48,3 milliards d'euros et que les couts sur la santé, la dépollution de l'eau liés à certaines pratiques agricoles s'élèvent à 19 milliards d'euros. On retrouve dans ces milliards d'euro le cout de plus en plus important supporté par nos collectivités pour rendre l'eau potable.
Cette étude démontre, que nous avons en France, les moyens et les outils pour mener des politiques plus volontaristes. De proposer pour préserver la qualité de l'eau un modèle agricole qui protège le travail et la santé de celles et ceux qui portent trop souvent seul la responsabilité d'une dégradation de l'environnement. D'atteindre le bon état des masses d'eau en sortant progressivement et définitivement de l'impasse des intrants chimiques.
Et c'est parceque c'est une responsabilité collective que nous devons mobiliser ces moyens et ces outils pour accompagner celles et ceux qui s'engageront vers une réduction de l'usage des pesticides de synthèse sur nos aires d'alimentation de captage. A la contrainte que suppose le renoncement à utiliser des herbicides pour certains agriculteurs, nous devons construire des politiques publiques qui proposent des réponses qui ne seront pas seulement technique, mais qui engageront une reconception en profondeur de notre système alimentaire. Ces solutions existent : les Mesures Agro-Environnementales Climatiques, les Paiements pour Services Environnementaux ou les Aménagements Fonciers Agricoles Forestiers et Environnementales qui donnent plus de cohérence et la possibilité aux fermes d'allonger les rotations et diversifier les assolements.
Mais ces solutions doivent pleinement engager les filières amont et aval, notamment les entreprises de l'agroalimentaire (en 2023, les marges de l'agroalimentaire ont explosé de 48% selon l'insee, alors que 18% des ménages agricoles continuait de vivre sous le seuil de la pauvreté) et la grande distribution, trop souvent absents des négociations, que cela soit sur les questions de qualité de l'eau que la juste rémunération des agriculteurs. Nous pourrions aussi mieux prendre en compte le fait qu'un changement de système, un abandon des intrants chimiques sont une prise de risque pour celles et ceux qui doivent conduire ces transitions à l'échelle de leur ferme. De plus, le système agricole présente actuellement un certains nombres de verrous qui vient limiter les capacités de mise en œuvre de cette transition (revenus faibles, contrat de filières asymétrique et contraignant, offre de débouché trop faible…) et fragiliser l'engagement d'un seul acteur vers des pratiques plus durables. La création d'un fonds d'indemnisation où serait mis à contribution l'ensemble des filières et des pouvoirs publics permettrait d'assurer aux agriculteurs un soutien suffisant pour s'engager vers des pratiques plus durables et massifier ainsi l'agroécologie sur nos territoires.
Reculer encore sur la règle d'interdiction des pesticides c'est faire porter aux générations futures les conséquences financières, environnementales et sanitaires de nos renoncements. Il n'y a pas de freins techniques à se passer des pesticides de synthèse, le seul frein est politique et il réside dans notre capacité à nous projeter collectivement sur un modèle alimentaire qui rémunère justement les agriculteurs qui font ce choix.
[1] Observatoire de l'Environnement en Bretagne https://bretagne-environnement.fr/article/secheresses-en-bretagne-vulnerabilites-et-changement-climatique
[2] Observatoire e l'Environnement en Bretagne https://bretagne-environnement.fr/tableau-de-bord/pesticides-dans-les-cours-deau-bretons-analyse-de-levolution-annuelle-depuis-1995
[3] https://www.secours-catholique.org/m-informer/publications/linjuste-prix-de-notre-alimentation